Le cheval fée - ce dernier terme étant utilisé comme adjectif, au sens de « féerique » - est une monture merveilleuse que l’on trouve évoquée, sous divers noms, dans le folklore ou dans les contes.
Certains chevaux fées, capables de galoper à une vitesse vertigineuse sans se fatiguer, comme Bayard, voire de voler grâce aux ailes qu’ils ont dans le dos, comme Pégase, sont considérés comme des animaux protecteurs, voire psychopompes, chargés d’accompagner dans l’au-delà les âmes de leurs cavaliers. A Aigues-Mortes, le « cheval lou drapé » peut allonger son dos, comme Bayard avec les quatre fils Aymon, afin de porter en croupe jusqu’à cent enfants à la fois et les emmener dans un mystérieux royaume lointain dont-ils ne reviennent plus.
D’autres chevaux fées se révèlent au contraire des montures diaboliques, conduisant leurs victimes tout droit à la mort ou aux Enfers. C’est le cas notamment du « cheval mallet », à la robe tantôt noire, tantôt blanche, richement harnaché, qui apparait toujours à la nuit tombante aux voyageurs fatigués qui, séduits par l’aubaine d’une telle monture providentielle, l’enfourchent d’autant plus volontiers que le cheval se laisse docilement faire. Mais à peine sont-ils en selle que le cheval mallet s’élance au galop à une vitesse folle à travers bois, sons, fourrés et rivières, éclairé par la lumière phosphorescente qui émane de ses yeux. Toute la nuit, le cheval magique entraine ainsi son cavalier involontaire avant de le jeter bas à l’aube suivante, lui brisant les reins ou le noyant dans un étang.
Le seul moyen de se prémunir du galop infernal du cheval mallet est d’avoir dans la poche la rançon du voyageur, tour à tour médaille de saint Benoît, « sou marqué » ou « croix der sorciers ». Casimir Puichaud, folkloriste du XIXe siècle, rapporte l’anecdote suivante : « Un homme de Saint-Philbert-du-Pont-Charault fit sur un cheval mallet un incomparable voyage. Il était porteur du talisman sacré : le sou marqué. Le réveil du jour le surprit à Paris. Il descendit de cheval, sans encombre, et resta trois jours dans la capitale. Il y mena joyeuse vie. Ces trois jours ont compté dans son existence parmi les plus heureux. Il avait parcouru le monde et connu Paris. Laissez-moi vous donner un conseil : « Ne voyagez pas sur un cheval inconnu. Ayez toujours dans votre poche la rançon du voyage. »
En Normandie, ce cheval enchanté est appelé « cheval bayard » - il n’a conservé du célèbre cheval de Renaud que la vélocité et la force, et non l’aspect protecteur. En Franche Comté, il a pour nom « cheval Gauvain ». Il jette lui aussi à terre son cavalier d’une nuit, comme le cheval mallet, mais sa seule vue est signe d’un trépas proche. Il apparait à minuit à un certain carrefour. Celui qui a la malchance de le voir mourra bientôt. Parfois, le cheval Gauvain prend l’apparence d’un bouc. En Irlande, il a pour nom pooka, phooka ou pwca ; il prend sur son dos le voyageur attardé et s’enfuit au galop jusqu’à l’aube, et jette alors son cavalier dans une marre.
Le « cheval sans tête » possède les mêmes caractéristiques maléfiques que le cheval mallet, et son apparition est signe de malheur, de mort et d’accident. Bien qu’il soit dépourvu de tête, ce cheval ensorcelé pousse des hennissements diaboliques qui ressemblent à des ricanements.
A Besançon, il faut se garder du « cheval-trois-pieds », qui hante le bois de Nancray. Il promet des trésors à celui qui osera le monter, mais en réalité il est le cheval de la Mort en personne. Parmi les chevaux fées, on peut encore citer la « blanche jument » du Pas-de-Calais ou la « jument blanche » de Bruz, près de Rennes, mais ces juments sont assimilées à des esprits follets ou des croquemitaines chargés d’effrayer les enfants désobéissants, alors que le cheval mallet est une émanation du diable lui-même.